Il y'a des journées ou tu n'a pas envie de "sortir". Pas de cette drôle habitation humaine que tu possèdes désormais avec Kirsten, mais plutôt de la foret qui l'entour. Ce n'est pas la ville qui te dérange, ni encore moins son immense désert. Au contraire, tu sembles même un peu apprécier le côté "loufoque" de cet endroit, probablement car tu n'avais plus besoin de te casser la tête pour te mêler aux autres.
Là, tu avais juste envie de rester auprès des "tiens", c'est à dire, des arbres dans la foret. Evidemment, il y'a toujours descrétins curieux qui viennent mettre les pieds ici. Qui oublient le danger de ces fameux arbres qui assomment à coup de compliments. Tu soupires en voyant un habitant se laisser happer par des mensonges, tandis qu'en silence tu t'approche de lui. Ton apparence oscille un moment avant de revetre celle d'une ombre. Oui, tu admets encore en user pour essayer d'effrayer ce genre de personne. Un moyen comme un autre. Ton apparence humaine est clairement inutile dans ce genre de moment, qui écouterais un type mort de l’intérieur?
Ainsi donc, comme d'habitude tu chassas "l'intrus" de justesse, le regardant prendre la poudre d’escampette tandis que tu récupère ton apparence humaine. Evidemment, les têtues ne t’écoutent pas...A leurs risques et périls. Tout le monde n'est pas immunisé comme toi.
-Vous devriez ralentir un peu, vous en avez attraper suffisamment hier.
Marmonnas-tu dans une barbe inexistante, à l'intention du peuple végétal autour de toi. Tu sais qu'ils peuvent t’entendre, tout comme tu sais que tu n'as aucune autorité sur eux. Puis qu’eux même tentent de te tendre le même piège qu'aux humains. Manque de bol, tu es déjà un arbre. Mise à part te rendre encore plus grognon, cela n'a pas grand effet sur toi.
Bougonnant, tu finis par faire demi-tour. Saleté de foret. Au moins, tu ne t'ennuies pas.
La vie en société manquait parfois à Kirsten. La normalité de se faire passer pour une humaine. Interagir avec des gens, parler, aller à l'école avec des gens qui avaient l'air de faire son âge, même si plus de deux décennies les séparaient.
En général, l'isolation de sa petite cabane dans les bois lui plaît. Parler aux voyageurs perdus et les guider lui suffit, la plupart du temps ; la simplicité lui suffit, la plupart du temps. La grande majorité de ses journées se passaient à l'intérieur de sa cabine, dans son jardin, ou à se promener dans la forêt chuchotante. Les arbres ne l'ont pas encore tuée ; un peu surprenant, mais tuer leur protectrice était aussi très contre-productif.
Aujourd'hui, au lieu de simplement cuisiner de bon matin, la dryade avait décidé de sortir. Le silence de la maison à son réveil l'avait déstabilisée. Son petit déjeuner pouvait bien attendre que son besoin d'affection et d'attention soit satisfait. Ça ne devrait pas être si compliqué de toute façon.
Elle n'aurait qu'à marcher un peu, ramasser des fruits peut-être, retrouver Marwin, et ils pourraient rentrer ensemble. Là, ils pourraient se mettre à la nourriture, et ça serait très certainement une bonne matinée.
Sachant qu'il ne faisait pas aussi chaud qu'en plein désert ici aux petites heures du matin, la demi-dryade attrapa un de ses châles blancs, le plus doux, et l'enroula autour de ses épaules. Elle prit son panier en osier, recouvrit son fond avec un petit tissu et sortit.
Ces dernières années, cette forêt était devenue sa maison. C'est donc sans peur de mourir et avec un confort témoignant du quotidien de l'acte qu'elle referma la porte du cabanon et s'aventura entre les arbres tueurs, trottinant au rythme d'une chanson qu'elle sifflait doucement.
Quelquefois, la belle blonde s'arrêta pour récupérer des baies sur des buissons. Peut-être toxiques, peut-être pas, ça ne faisait aucune différence pour elle, de toute manière.
Son chemin continua, continua, continua. Une vingtaine de minutes plus tard, elle entendit une voix briser le quasi-silence. Une fois indifférente comme peu. Celle de la personne qu'elle recherchait, sans aucun doute. Après plus de dix ans de cohabitation, on commençait à reconnaître ces petits détails-là.
Un petit sourire innocent étirant ses lèvres, elle galopa en direction du son. Bien assez vite, la tête brune et la cape bleue de son amant se firent voir d'entre les troncs murmurants.
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